Agriculture de rente : comment développer la production en évitant les impacts sur la biodiversité ?

 

Les cultures de rentes (coton, canne à sucre, riz…), majoritairement destinées à l’export,  jouent un rôle majeur dans la construction géographique, géopolitique, sociale et économique des territoires. Elles ont permis à des millions de petits exploitants et de commerçants de bénéficier des échanges mondiaux. Cependant, leur impact sur la biodiversité est un des plus importants.  

Les cultures de rente visent à être vendues dans le but de générer des revenus réguliers pour les exploitants. Elles se distinguent ainsi des cultures vivrières plutôt destinées à la consommation personnelle. Tous les pays BIODEV2030 ont identifié l’agriculture comme un secteur économique prioritaire participant à l’érosion de la biodiversité et au développement du pays. 8 ont plus particulièrement sélectionné les cultures de rente : le Bénin (coton), le Burkina Faso (coton), l’Ethiopie (café), la Guinée, le Guyana (riz et canne à sucre), le Mozambique (soja et canne à sucre), l’Ouganda et le Sénégal (arachide).

 

LES ACTEURS & ENJEUX ECONOMIQUES DEs cultures de rente

Pilier de l’agriculture pour de nombreux pays, les cultures de rentes participent de manière non négligeable aux recettes fiscales et au PIB de nombreux pays à travers le monde. Au Bénin par exemple, la filière coton pèse pour 80% des recettes d’exportation du pays et représente 13% du PIB. Ainsi, certains états ont cherché à favoriser les cultures de rentes. C’est le cas de l’Ouganda qui – via des réformes de sa politique agricole – a souhaité développer la production commerciale. Sur le plan humain, les cultures de rentes demeurent l’une des principales sources de revenus notamment dans les zones rurales. On estime qu’au Sénégal, la culture de l’arachide fait vivre 1/3 de sa population, directement ou indirectement.

Les acteurs des cultures de rente sont divers : des fournisseurs d’intrants, aux distributeurs finaux, en passant par les producteurs, les coopératives ou encore les transporteurs. L’Etat et les organismes de recherche jouent également un rôle clé dans le développement des productions.

Du fait de leur implantation territoriale et de leur croissance (exemple : +6,4% de moyenne en Ouganda) les cultures de rente exercent de grandes pressions sur la biodiversité.

Au cours des dernières années, certaines cultures de rente ont commencé à s’orienter vers des pratiques plus durables notamment pour répondre à la demande internationale.

62 milliards d’USD

de produits agricoles exportés par l’Afrique en 2017

Source : Bouët, Antoine and Odjo, Sunday P. (Eds.). 2019. Africa agriculture trade monitor 2019. Washington, DC: International Food Policy Research Institute (IFPRI). https://doi.org/10.2499/9780896296909

LES IMPACTS DE L’AGRICULTURE DE RENTE SUR LA BIODIVERSITé

Les pratiques agricoles impactent fortement la biodiversité. L’utilisation d’intrants chimiques est répandue afin de lutter contre les ravageurs et augmenter les rendements. Ils contribuent à la pollution des écosystèmes et appauvrissent les sols ce qui mène à la désertification du milieu. D’autre part, le nettoyage des parcelles par le feu peut provoquer des incendies. Non maîtrisés, ces incendies touchent directement les zones tampons ou les espaces protégés.

La dégradation de la fertilité des sols combinée à la forte demande liée à la croissance démographique pousse les exploitants à augmenter les surfaces agricoles. Cela entraîne une diminution de la durée des jachères, favorables à la biodiversité. De plus, ce phénomène exerce également des pressions sur de nombreux écosystèmes : forêts, mangroves, zones arides, … L’ouverture de nouveaux champs par les défrichements sont à l’origine de la diminution du couvert forestier et de la fragmentation des habitats de nombreuses espèces.

Combinés aux contraintes liées aux impacts du dérèglement climatique, ces effets vont davantage contribuer au processus de dégradation des écosystèmes et de la biodiversité.

86%

des espèces menacées d’extinction dans le monde le sont principalement du fait de l’agriculture

Source : UNEP. Our global food system is the primary driver of biodiversity loss [en ligne]. Disponible sur : https://www.unep.org/news-and-stories/press-release/our-global-food-system-primary-driver-biodiversity-loss. (Page consultée le 25/07/2022)

L’agriculture de rente a des impacts négatifs sur la biodiversité du fait :

  1. Du changement d’affectation des sols au détriment de nombreux écosystèmes, notamment forestiers. L’augmentation de la production de doit pas nécessairement être synonyme de destruction et de fragmentation des habitats. Une prise en compte de l’impact écologique des écosystèmes détruits est nécessaire.

2. De l’usage d’intrants chimiques entraînant pollution, appauvrissement des sols et érosion de la biodiversité environnante. Les conséquences vont de la dégradation de la fertilité des sols (et donc la baisse des rendements) à la désertification du milieu. Leur usage doit être strictement encadré et réduit.

Les pistes d’engagement :

  • Réduire la quantité d’intrants chimiques utilisés et encadrer leur usage
  • Mettre en œuvre une approche zéro déforestation
  • Promouvoir les cultures biologiques ou certifiées
  • Développer l’agroécologie et l’agroforesterie afin d’améliorer l’état des sols
  • Favoriser le développement de réseaux paysans pour le partage d’expériences, de connaissances et de services (à l’échelle locale, régionale voire nationale) 

Sources :

  • Auroi, C., & Maurer, J. 1998. Tradition et modernisation des économies rurales : Asie-Afrique-Amérique latine : Mélanges en l’honneur de Gilbert Étienne. Graduate Institute Publications. doi :10.4000/books.iheid.1570 ;
  • Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Les politiques agricoles à travers le monde, Le Sénégal [en ligne]. Disponible sur : Sénégal | Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. (Page consultée le 25/07/2022)
  • FAO. Alimentation et agricultures durables, l’utilisation des terres agricoles en chiffre [en ligne]. Disponible sur : |Sustainable Food and Agriculture|FAO. (Page consultée le 25/07/2022)
  • Fromageot A., Ndembou S., Courade Georges. Les cultures de rente concurrencent les cultures vivrières. In : Courade Georges (dir.). L’Afrique des idées reçues. Paris : Belin, 2006, p. 288-294. (Mappemonde).
  • UNEP. Our global food system is the primary driver of biodiversity loss [en ligne]. Disponible sur : https://www.unep.org/news-and-stories/press-release/our-global-food-system-primary-driver-biodiversity-loss. (Page consultée le 25/07/2022)

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